COMMENTAIRES SUR L’OUVRAGE COLLECTIF “RADICALITÉ, 20 PENSEURS VRAIMENT CRITIQUES



  Le lecteur ayant entre les mains Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques  (ouvrage publié par les Éditions de l’Échappée), qui avant d’entamer sa lecture découvre sur la couverture le nom des vingt protagonistes (1), peut s’étonner d’y trouver des penseurs qui ne correspondent pas, ou peu, à l’idée qu’il se ferait lui de la radicalité ou d’une pensée “vraiment critique”. D’autant plus que ne figurent pas dans cette énumération plusieurs noms qui lui viendraient plus naturellement à l’esprit s’il lui fallait dresser pareille liste (exercice plutôt vain au demeurant).


  Il faut patienter jusqu’à la fin de l’introduction pour avoir (page 24) une réponse à la dernière question. Les  préfaciers et coordinateurs de l’ouvrage (Cédric Biagini et Guillaume Carnino, les deux éditeurs, plus Patrick Marcolini) expliquent qu’ils “ont mis de côté ceux et celles qui auraient pu tout à fait trouver leur place ici, mais qui sont déjà bien connus et sur lesquels on trouvera de nombreuses études universitaires ou non. Nous pensons notamment à des personnalités aussi différentes que Hannah Arendt, Albert Camus, Guy Debord, Karl Palanyi”. Les préfaciers ajoutent  que Jean Baudrillard, Philippe Breton, François Flahault, Michel Freitag, Roland Gori, Annie le Brun, Serge Latouche auraient pu y figurer, mais que la place manquait (puisqu’il fallait s’arrêter au chiffre 20). Ils justifient également l’absence de “collectifs” par la présence parmi les vingt noms de “certains de leurs auteurs de référence”.


  Ceci m’inspire plusieurs remarques. D’abord, dans la liste de L’Échappée, Castoriadis, Marcuse, Orwell, Pasolini, Weil, pour ne citer qu’eux, ont fait l’objet de nombreuses études, de maints commentaires, et plusieurs livres ont été consacré à chacun d’entre eux (par des universitaires ou pas). Donc l’argumentation selon laquelle les coordinateurs “ont mis de côté” pour ces mêmes raisons les quatre penseurs cités plus haut s’avère peu convaincante. Si l’on reprend cette liste de “refusés” on se demande ce que vient faire là Albert Camus, voire l’Hannah Arendt postérieure aux années 1960. En revanche, il est fort dommage que Guy Debord ait été écarté. Mais pas pour les raisons que l’on pourrait croire. Patrick Marcolini, l’auteur d’un Mouvement des situationnistes  publié chez le même éditeur (ici préfacier, coordinateur et contributeur), paraissait  mieux placé que d’autres, plus légitime pour écrire un texte sur Debord. Je dois avouer ma frustration. De ne pas pouvoir ainsi prendre connaissance des développements que réclamait la thèse exposée dans Le mouvement des situationnistes  : celle d’un Debord devenu un “auteur anti-industriel” après la dissolution de l’Internationale situationniste, et plus encore avec Commentaires sur la société du spectacle  seize ans plus tard. La logique de ce raisonnement, compte tenu du type de critique que Marcolini adresse dans cet ouvrage à l’I.S., faisant par surcroît de Debord un auteur anti-situationniste !


  Quelques pages plus loin, les coordinateurs nous donnent une indication d’importance sur la façon dont cette liste a été constituée, ou du moins élaborée : “Jean-Claude Michéa, par exemple, a largement contribué à faire lire d’un oeil neuf l’oeuvre d’un George Orwell, et il a fait connaître en France les analyses de Christopher Lasch, resté jusqu’alors méconnu. Il cite aussi dans ses écrits Cornelius Castoriadis, Michela Marzano, ou encore Dany-Robert Dufour, Zygmunt Bauman...” etc. On en déduit que dans le noyau dur des “penseurs radicaux” convoqués par les Éditions de l’Échappée figurent ceux dont la présence se trouve attestée, plus que d’autres, dans les index des différents ouvrages de Michéa. On subodore ici de quelle “radicalité” on nous entretiendra par la suite avec une telle boussole.


  Déjà, dés les premières lignes de l’introduction, on peut s’étonner sinon plus de “l’étonnement” des trois préfaciers, lesquels expliquent le projet et l’existence de ce livre par le fait que parmi “les intellectuels critiques convoqués par les médias, révérés à l’université, considérés comme éminemment subversifs par le monde militant ne figurent aucuns de ceux qui le sont vraiment  pour nous”. Vraiment ? Alors médias, universitaires et militants ne citeraient jamais ou rarement les noms de Castoriadis, Anders, Bauman, Ellul, Illich, Lasch, Marcuse, Michéa, Orwell, Pasolini et Simone Weil : quelle plaisanterie ! Comme début c’est pas vraiment réussi. Médias, universitaires et militants, poursuivent les préfaciers, n’auraient à la bouche que les noms de ces “intellectuels qui continuent d’être considérés comme le coeur de la pensée rebelle : Michel Foucault, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Félix Guattari, Jean-François Lyotard”. C’est partiellement vrai, mais de moins en moins au fil des ans. Et puis d’aucuns n’avaient pas attendu les Éditions de l’Échappée pour tirer à boulets rouges sur les cinq représentants de la “french théorie”, depuis un certain temps déjà. Ici d’ailleurs les préfaciers reprennent l’une des thèses du Nouvel esprit du capitalisme  (sans pour autant citer cet ouvrage, à l’instar d’un Michéa) : “Au pire, et c’est le cas de la majorité d’entre eux, leurs théories participent pleinement du déploiement du capitalisme en favorisant les mutations sociales et culturelles exigées par le marché”.

  Un peu plus loin, ceci posé, on apprend que les Éditions de l’Échappée entendent en quelque sorte répondre à l’ouvrage Hémisphère gauche, une cartographie des nouvelles pensées critiques  (publié en 2010 aux Éditions Zones par Razmig Keucheyan), consacré lui à des auteurs comme Negri, Zizek, Badiou, Butler, Agamben, Jameson, Honneth, etc. : livre où la quatrième de couverture annonçait que “la pensée radicale est de retour”. Ce que discutent et récusent nos préfaciers, qui avancent l’argument suivant : nos penseurs radicaux, les “vingt”, sont eux “nettement moins à la mode”. Voilà de quoi surprendre les gazetiers qui font de chaque parution d’un livre de Michéa un événement médiatique (du moins à l’échelle du monde des idées) ou interviewent le philosophe montpelliérain à cette occasion. Et cela vaut pour d’autres membres du club des “vingt”.


  L’introduction ensuite, pour simplifier, pourrait être divisée en deux parties. Dans un premier temps les préfaciers reviennent sur les thèmes de prédilection des Éditions de l’Échappée, ou du moins circonscrivent un domaine de réflexion dont on peut en terme d’analyse partager les grandes lignes. Ils font une analyse somme toute classique de l’évolution du capitalisme pour en souligner divers effets : depuis l’imposition de la technoscience jusqu’à la “fabrication” des subjectivités qui y sont corrélées. Les préfaciers insistent justement sur la “glaciation émotionnelle” dont témoigne de ce point de vue là le cinéma de Michael Haneke. Ils en viennent à faire le constat suivant : celui d’un effritement du politique à travers l’indistinction des sphères publiques et privées, le désintérêt grandissant des citoyens pour les affaires publiques, et l’apparition de formes de contrôle induites par l’extension des nouvelles technologies. Un constat avec lequel je suis d’accord pour l’essentiel.


  Les choses se gâtent quand les trois préfaciers abandonnent les domaine des “faits objectifs” ou l’analyse du monde tel qu’il va pour revenir sur la dimension polémique du début de l’introduction. On peut certes partager nombre critiques à l’égard de ceux que nos rédacteurs appellent “les intellectuels contestataires à la mode d’aujourd’hui” (nous n’avions pas attendu les Éditions de l’Échappée pour les exprimer) sans pour autant les amalgamer de manière univoque comme défenseurs du capitalisme. Pour les intellectuels contestataires, affirment les préfaciers, “le capitalisme  engendre des formes de vie plus riches et des rapports sociaux plus libre parce qu’il arrache les individus aux traditions, à la morale ancienne et à la culture classique (censées être intrinsèquement et uniquement porteuses de tares : bourgeoises, masculines, occidentales, blanches, hétérosexuelles, etc.), et parce qu’il produit en outre les outils technologiques qui serviront les mouvements de résistance et d’émancipation, pourvu que les opprimés s’en emparent”. Nous sommes au coeur du sujet. Cette vision de l’adversaire, les dits “intellectuels contestataires”, juste partiellement, mais caricaturale du fait de l’amalgame (ainsi que pour des raisons sur lesquelles je reviendrai), dessine en creux le projet du livre. On en sait un peu plus ici sur la “radicalité” dont il sera plus loin question, et sur ce que représente pour les maîtres d’oeuvre de cet ouvrage collectif une “pensée vraiment critique”. Mais poursuivons la lecture de cette introduction. 


  Je ne contredirai pas les trois préfaciers quand ils évoquent une continuité entre Deleuze et Guattari, et Negri et Hardt, afin de faire le lien entre anciens et nouveaux penseurs contestataires. Je n’entrerai pas plus dans le détail d’une analyse des cultural studies  qui m’obligerait à ouvrir un autre front. En revanche, la mention du livre de l’essayiste américain Dwigth Macdonald, Le Socialisme sans le progrès,  mérite que l’on s’y attarde. Car l’on devine que la distinction faite depuis le début de l’introduction entre “intellectuels contestataires” et “penseurs radicaux” est en grande partie empruntée à Macdonald. 


  La lecture de cet ouvrage s’avère instructive. Pour Macdonald ‘le “progressiste fait de l’histoire le centre de son idéologie” tandis que “le radical assigne cette place à l’humain”. Donc, ceci posé, “bien et mal” pour le radical “coexistent au plus profond de la nature de l’homme”. Macdonald n’est cependant pas dupe des effets produits par ce type de raisonnement lorsqu’il constate que ceci “amène le radical à critiquer la doctrine progressiste dans des termes proches de ceux de la droite, d’où une bonne part de confusion”. On ne saurait mieux dire. Poursuivant sa comparaison, Macdonald avance alors que “contrairement au progressiste, le point de vue radical est sans doute compatible avec la religion”. Une indication pour le moins intéressante. Dwigth Macdonald, qui dit avoir évolué de la position “progressiste” à celle “radicale”, reconnaît trouver moins d’intérêt qu’auparavant à “l’action politique”. Ceci assorti du commentaire : “On devient souvent conservateur en vieillissant”. Bon, on saisit mieux ce que signifie “radicalité” pour le penseur américain. Quand, vers la fin de son livre, Macdonald tente de définir “les cinq attitudes caractéristiques du radical en politique”, la mention des deux premières, “le négativisme” et “le réalisme du non réalisme” n’a pas lieu d’être discutée. Ce qui n’est pas le cas de la troisième, “la modération” ; voire des quatrième, “la limitation” et la cinquième, “le souci de soi” (où tout équivaut tout).

  Les préfaciers, pour revenir à Radicalité..., reprennent les grandes lignes de l’argumentation de Macdonald (c’est surtout la distinction faite plus haut qui les mobilise) sans véritablement aborder les aspects que je viens de souligner. A vrai dire ils sont plus convaincants quand ils dénoncent via Macdonald les “intellectuels progressifs” que dans leur défense et illustration des “penseurs radicaux”. Tant il est vrai que corréler pour ce faire la “critique sociale” à des jugements de valeur individuelle ressemble à un équipage que l’on aurait attelé tête bêche. Comme le dirait Roland Barthes : le sujet fait du surplace. Mais j’imagine que pour nos préfaciers cela passe pour une qualité. On reste dans le même ordre d’idée quand les trois coordonnateurs se réfèrent à Albert Camus : dont la pensée est qualifiée de “radicale parce que dotée d’un sens de la mesure” (sic). D’ailleurs, pour qui n’aurait pas compris, les préfaciers ajoutent que “la vraie radicalité, à l’heure où prospère l’artificialisation des êtres, doit consister à trouver ses limites ”(2).


  Certes on nous répète que ces “20 penseurs vraiment critiques, authentiquement radicaux”, le sont parce qu’ils ont “les yeux dessillés sur les destructions massives causées par le capitalisme industriel”. Et ils le seraient encore plus parce que “la conscience de ces destructions suppose avant tout de préserver la mémoire de ce qui a pu exister de différent par le passé, de se souvenir, et de maintenir des manières d’être et de penser convenables, sinon épanouissantes, que ce passé nous a léguées”. En ne retenant de ce discours que l’aspect mémoriel il y a deux façons de l’entendre. D’abord en évoquant une filiation. Les surréalistes, les situationnistes, l’École de Francfort, ou des penseurs comme Marx, Benjamin, et tant d’autres, ont su reconnaître leur dette envers ceux, philosophes, écrivains, artistes, qui les avaient précédés : des legs dont ils étaient redevables et qui en retour donnait à leurs pensée et pratique le tranchant que l’on sait. Dans toute révolution, ou période révolutionnaire - comme dans route activité collective radicalement opposé au monde tel qu’il va - l’ancien agit sur le nouveau et réciproquement : c’est dire que les révolutionnaires (au sens plein du terme), tout en se référant à la part la plus riche, la plus prometteuse laissée par l’humanité, réinventent nécessairement les formes à travers lesquelles une “nouvelle humanité” pourrait advenir, émancipée donc. 


  Et puis il y a une autre façon d’entendre ce “legs” : celle des conservatismes de toute obédience, lesquels renvoient immanquablement et prioritairement à la défense des valeurs traditionnelles. Entre ces deux manières de se référer au passé nos préfaciers pilotent à vue. A vrai dire ils se déplacent en fonction des positions de l’adversaire, les “intellectuels progressistes”, pour provoquer disent-ils une “rupture intellectuelle visant à recomposer les termes de l’affrontement politique contemporain”. Sachant, ajoutent-ils, que “beaucoup d’orientations prétendument subversives mènent droit à l’abîme”. Puisqu’on nous invite donc à “ouvrir des pistes de lecture vers des penseurs qui posent tous de manière originale la question du devenir collectif”, allons donc y voir de plus près. 


  Un premier problème se pose, classique, auquel se trouve confronté tout éditeur faisant appel à de nombreux contributeurs auprès de qui, depuis un projet éditorial donné, on passe commande d’un texte sur tel auteur (ou tel thème). La copie rendue, le commanditaire constatera dans de nombreux cas que les contributeurs ne marchent pas tous nécessairement du même pas, ou que certains d‘entre eux ont pris des libertés avec la “commande”. Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques  n’échappe pas à cette règle. A se demander même, l’ouvrage lu, dans quelle mesure quelques uns des contributeurs ont véritablement leur place dans ce livre eu égard les “prescriptions” de l’introduction. Cela n’aurait pas tellement d’importance après tout (c’est la loi du genre) si par ailleurs certains contributeurs ne me faisaient l’effet d’être des passagers clandestins. J’y reviendrai plus loin. 


  En tout cas se trouve posée et reposée la question d’une cohérence entre le propos global de l’ouvrage (celui énoncé par les préfaciers) et ici ou là celui des contributeurs. Mais il y a manière et manière d’en rendre compte. Par exemple, les textes consacrés à des penseurs de l’étoffe de Castoriadis, Anders, Marcuse, Orwell, sont ils vraiment en corrélation avec le projet éditorial ? J’en doute si l’on veut bien admettre que leur pensée (quoique par ailleurs, dans le détail, je puisse y adhérer ou pas) excède la “cause” qui sollicite les maîtres d’oeuvre de ce livre. Par conséquent je n’en parlerai pas. Tout comme je m’abstiendrai d’évoquer des auteurs qui me semblent hors sujet ou d’un intérêt très secondaire. Ou d’autres dont je n’ai lu la moindre ligne et que la lecture des articles les concernant conforte dans cette ignorance. Je mets également de côté Moishe Postone, qui mériterait d’être traité dans un autre cadre. Ainsi que Dany-Robert Dufour pour de toutes autres raisons : en saluant au passage le courage de Guillaume Carnino pour avoir tenté d’éclairer la lanterne du lecteur sur une pensée pour le moins confuse (mais “tendance” chez les partisans de l’ordre symbolique). Restent donc Senett, Bauman, Lasch, Weil, Pasolini et Michéa. Je précise d’emblée que les commentaires ci-dessous se rapportent principalement  à la manière dont ces six auteurs sont traités dans l’ouvrage qui nous occupe, et s’avèrent donc tributaires du discours qui y est tenu. Ce n’est également pas le fait du hasard si l’on retrouve parmi les six contributeurs deux des trois coordonnateurs de Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques.


  Richard Senett appartient, parmi les “vingt”, à ce contingent d’auteurs dont les livres sont absents des rayons de ma bibliothèque. Je ne le connais qu’a travers la recension de ses ouvrages dans la presse ou ses interview radiophoniques. Cependant, ayant lu auparavant Le Mouvement des situationnistes  de Patrick Marcolini, je ne me suis pas senti dépaysé en prenant connaissance de l’article que ce dernier consacre à ce sociologue américain. On y retrouve trois fortes thématiques de la pensée marcolinienne. D’abord une défense de la famille et du familialisme (“Confrontés à perpétuation et à la multiplication des phénomènes de destruction de l’espace public du XXe siècle à nos jours, il est normal que les gens ordinaires soient restés attachés à l’utopie familialiste forgée à l’aube de la modernité”) ; ensuite celle des traditions à travers un éloge de l’artisanat et le procès d’une modernité que l’on condamne en lui opposant “les modalités de la sociabilité d’Ancien Régime (...) au contraire basée sur la pudeur, la délicatesse, la retenue ou dans tous les cas une certaine notion de la bonne distance à maintenir vis à vis d’autrui” ; enfin une lecture du type “le nouvel esprit du capitalisme pour les nuls” en passe de devenir l’un des lieux communs de ce néo-conservatisme à la mode d’aujourd’hui.


  Zigmunt Bauman se trouve convoqué (par Cédric Biagini) pour avoir mieux compris que d’autres penseurs (considérés eux comme “plus subversifs” que ce sociologue d’origine polonaise) “le rôle clef joué par les nouvelles technologies dans ce processus de mondialisation”. Venons en à ce qui constituerait le coeur de la pensée de Bauman. Ce sociologue rencontre en ce début de XXIe siècle un certain succès dans le monde universitaire et les médias pour avoir forgé les concepts de “modernité solide” et “modernité liquide”. A savoir “le passage d’une société de producteurs à une société de consommateurs”. Bauman associe dans un premier temps “modernité solide” et société de producteurs, pour ensuite distinguer une période de transition durant laquelle émerge “la figure du consommateur  traditionnel”. Celle correspondant à l’individu décrit dans les ouvrages traitant de la société de consommation durant les années 60 et 70. On en vient ensuite à la “modernité liquide”, c’est à dire “la capacité à consommer” définissant “le statut social”. Dans ce nouveau cadre l’on ne consomme plus pour satisfaire ses besoins et désirs car la consommation devient “une activité autorélique   constituant une fin en soi. Ce qui signifie qu’elle n’a pas d’autre objectif que sa perpétuation, et plus encore “son intensification et sa généralisation à l’ensemble des rapports sociaux”. D’où en découle une nouvelle définition du consumérisme qui ne désigne plus “l’appropriation, la possession et l’accumulation d’objets que les consommateurs recherchent” mais “la multiplication des sensations” ou le fait “d’en espérer de nouvelles” : “le plaisir du shopping  supplante celui de l’achat d’un produit”, les consommateurs devant être “constamment éveillés (...), exposés à de nouvelles tentations, dans un état d’excitation permanent”.


  On comprend que de telles analyses puissent aujourd’hui séduire de nombreux esprits. Cette fascination (ce qu’elle induit, plutôt) ne remet pas en cause le relevé sociologique : on trouve dans la description de “l’homme consumériste” de nombreux détails pertinents. Cependant, posons la sempiternelle question : mais encore ? Ce qui en premier lieu séduit un certain type de lecteurs et de commentateurs réside dans le profit théorique que l’on peut tirer du concept de consommation comme “activité autorélique” (typique de la “modernité liquide”). Parce qu’un verrou vient de sauter : celui qui, malgré tout, reliait le producteur au consommateur dans une relation dialectique au sujet de  laquelle de bons auteurs se sont exprimés. Avec la “modernité liquide” on se débarrasse de cet emmerdeur patenté de producteur pour lui substituer - ainsi que le “consommateur traditionnel”, ce has-been - une figure unique typique de notre monde contemporain, ce “consommateur autorélique” qui possède l’avantage ne pas offrir de prise (liquide, hein) et qui présente de nombreux points communs avec l’individualisme  célébré par les penseurs postmodernes depuis les années 80. Certes Bauman se veut critique là où les Lipovetski et consort croient accompagner le mouvement de l’histoire. 


  Mais en vérité cette “critique” est plutôt dirigée contre ceux qui seraient rétifs à ce genre de théorisation et n’adhèrent pas à cette vision postmoderne à laquelle in fine Bauman se rattache. Car, pour revenir à quelques fondamentaux, il y a bien un escamotage dans tout ça : où est donc passé le travail (celui du producteur), et à travers lui l’obligation salariale ? Ont-ils disparu comme par enchantement ? Et l’absence de toute critique du travail salarié, justement, qu’en penser ? Celle-ci est pourtant l’un des aspects important, essentiel, d’une critique plus globale qui passe par la suppression du salariat. Et qui s’avère structurellement inséparable de celle de la consommation. Pourquoi consommer des produits dont nous n’avons effectivement pas besoin, et pourquoi donc travailler pour les acquérir ? Là aussi il parait difficile de critiquer la consommation sans se livrer en même temps au même exercice avec le travail salarié. Et en remettant les bœufs avant la charrue. Ceci et cela étant absent chez Bauman (du moins sous la plume de Biagini).


  Et puis, parallèlement, on a comme l’impression que Bauman raisonne depuis l’existence d’une classe moyenne universelle et généralisée qui se substituerait là aussi aux classes sociales existantes, dont l’une, encore la plus nombreuse, comporte maints individus exclus des modes de consommation analysés par Bauman. Ce qui fondamentalement ne remet pas en cause ces analyses dans le détail (le relevé sociologique) mais en limite singulièrement la portée. Et même, pour changer de registre, quand Biagini insiste sur le fait que “le mode de vie adopté ne parait pas être imposé par un système coercitif” (comme, ajoute-t-il, le pense l’adversaire, nos fameux intellectuels contestataires) “mais est au contraire perçu comme une nouvelle preuve de liberté individuelle”, il parait ignorer ce qu’écrivait déjà la Boetie au XVIe siècle. On en restera là sans poursuivre l’analyse de notre contemporanéité sous l’angle de cette pertinente notion de “servitude volontaire”, qui d’ailleurs ne saurait tout expliquer à elle seule.


  La pensée de Christopher Lasch a eu la chance (et la malchance) d’être popularisée en France par Jean-Claude Michéa. Comme elle a plus que d’autres (y compris Orwell) influencé le philosophe montpelliérain, elle bénéficie autant de la vogue de ce dernier qu’elle pâtit de se retrouver associée à l’un des penseurs les plus surfaits de notre époque. Les théories de Lasch sur le narcissisme sont-elles si originales et si décisives que d’aucuns le prétendent ? Même si Lasch se réfère à la théorie freudienne les conséquences qu’il tire de cette “culture du narcissisme” rejoignent celles, plus sociologiques, d’un Gilles Lipovetski dans L’ère du vide.  Plus intéressant, si l’on peut dire, serait le regard que Lasch porte sur la cellule familiale. D’un livre à l’autre le penseur américain s’efforce de défendre la famille contre les critiques que lui ont adressés (et lui adressent) écrivains, freudo-marxistes, révolutionnaires et anthropologues : Lasch affirmant que ces mêmes critiques (selon Renaud Garcia, l’auteur de cet article) “n’ont fait qu’accompagner sur le plan idéologique un mouvement réel de destruction de la famille sous l’effet du capitalisme consumériste”. Si l’on comprend bien les Gide, Reich, Fromm, ici en première ligne, étaient à leur insu des agents du capitalisme. L’intérêt du paradoxe (le capitalisme détruit plus sûrement la famille que ses ennemis déclarés) étant d’occulter les aspects disciplinaires, normalisateurs, normatifs, aliénants de la famille traditionnelle, ainsi que sa propension à reproduire le modèle patriarcal. Dans le droit fil de cette démonstration, les raisons pour lesquelles les contempteurs de la famille la critiquaient (et la critiquent encore) n’existent pratiquement plus. Parallèlement on nous dit que la famille “faisait office de refuge face à l’univers du marché et du salariat, en conservant la possibilité de relations véritablement humaines entre ses membres”. Un tel flou théorique incite à penser que Lasch part en réalité de présupposés moraux et qu’il se livre ensuite à ce  bricolage idéologique à des fins d’ajustement.


  Sans ouvertement reprendre le discours des partisans de l’ordre symbolique, Lasch s’en prend aux professionnels de l’éducation et autres pédopsychiatres coupables de s’être “accaparés les fonctions ordinaires des parents” et d’avoir à l’inverse décrédibilisé ces derniers. Ceci au détriment du “savoir empirique accumulé au contact direct des enfants ou simplement hérité des aïeux”. Ainsi l’Oedipe ne peut plus fonctionner, etc. D’où cette conclusion : “L’attaque en règle contre ce pilier prétendu du conservatisme qu’est la famille n’aboutit donc qu’à renforcer l’aliénation des individus”. Compte tenu de ce qui vient d’être précisé l’argument est d’une logique implacable. “Pilier prétendu du conservatisme”, la  famille ? Qui donc dans l’histoire des hommes, sans remonter aux mérovingiens, et aujourd’hui encore (avec les significatifs défilés des manifestants opposés au “mariage pour tous”) défendait et défend l’institution familiale ? Qui, pour ne citer que cet exemple, a gravé dans le marbre et les consciences le fameux “travail, famille, patrie” ? La famille selon Lasch serait un fort rempart contre le capitalisme tandis que ceux qui la critiquent accompagneraient ce dernier, et mieux encore en seraient les complices. Il n’y a alors rien d’étonnant de constater que les pensées de Lasch et Michéa rencontrent un franc succès auprès de cette droite new look furieusement anticapitaliste sur le plan sociétal.

  Dans un tout autre domaine, on ne peut rendre Lasch (décédé en 1995) entièrement responsable de l’aspect obsolète de ses analyses sur le populisme quand on sait (mais pas tout le monde assurément) que “populisme” aujourd’hui n’a plus la signification que lui donnait Lasch dans l’un ou l’autre de ses livres. En revanche, refuser comme il le fait “d’envisager l’absorption totale de la culture populaire  à l’intérieur de la culture de masse “ parait bien candide, idéaliste ou ressort d’un vœu pieux. C’est là l’un des effets de cette “défense et illustration du populisme” et d’une incapacité à penser l’art et les grandes œuvres du patrimoine universel comme facteur d’émancipation du genre humain. Ce qui mériterait de longs développements. Mais cette analyse là ce n’est pas chez Christopher Lasch qu’on la trouvera, et encore moins chez ses épigones.


  Nous changeons de registre avec Simone Weil. Charles Jacquier, l’auteur du texte la concernant, élude rapidement la dimension “religieuse et mystique” chez la philosophe, que l’on croyait pourtant difficilement contournable, en prétextant que sur cette question Simone Weil s’en tint longtemps à l’évidence selon laquelle le “problème de Dieu est un problème dont les données manquent ici bas et que la seule méthode certaine pour éviter de le résoudre à faux (...) était de ne pas le poser”. Les données ne manquent pourtant pas ! Et puis, quel jésuitisme chez Jacquier ! Ce dernier ne se réfère pas plus au livre La condition ouvrière  que l’on pensait pourtant essentiel, et qui fut longtemps (avec La pesanteur et la grâce  et L’enracinement ) l’un des ouvrages de référence de Simone Weil. D’ailleurs, par delà le témoignage “d’établissement” que relate ce livre (le premier témoignage en date, avant ceux des prêtres ouvriers et des maoïstes), un lien peut être fait entre la dimension christique de cette expérience de travail en usine (dans une lettre à Boris Souvarine, Simone Weil écrit “Car ces souffrances (auxquelles “aucune nécessité ne me soumet” précise-t-elle plus haut), je les ressens en tant que souffrances des ouvriers, et que moi, personnellement, je les subisse ou non, cela m’apparaît comme un détail presque indifférent”) et la Simone Weil “religieuse et mystique”.


  En revanche, Jacquier s’attarde sur la manière dont Simone Weil se collette avec l’histoire. Il parait difficile de suivre la philosophe dans des analyses souvent contestables qui, rétrospectivement, pour ne citer que cet exemple, soulignent les insuffisances de Simone Weil sur la question du totalitarisme (dans le contexte bien évidemment des années 30). Ainsi nous lisons sous la plume de Domenico Canciani (cité par Jacquier) que pour Simone Weil “le totalitarisme n’est pas un danger à conjurer, il est la forme achevée de l’État tel qu’il s’est conçu en France ; il ne faut pas y voir une spécificité de l’Allemagne, il est le fils légitime de l’État nation, centralisé, qui s’est érigé par étapes, de Louis XIV à Napoléon en passant par la Révolution”. C’est quand même passer largement à côté des causes du nazisme (puisqu’il est question de l’Allemagne) ! Et puis mettre la Révolution française dans ce paquet de linge sale alors que l’on escamote fascisme et nazisme risque de vous mettre en fâcheuse compagnie. Le plus grave étant que Jacquier accrédite cette version.


  Plus loin Jacquier ne manque pas de surprendre le lecteur quelque peu instruit sur la “question de l’URSS et la nature de la société dite soviétique” lorsqu’il prétend que Simone Weil “avant même la publication de Staline  (1935) de Boris Souvarine, des livres de Victor Serge, d’Ante Ciliga ou de Voline, posa le problème au-delà des “lieux communs propres à sauver de la pénible obligation de réfléchir””. Jacquier oublie de préciser que dés le premier numéro de La Critique sociale  (1931, revue à laquelle Simone Weil ne collaborera que dans un second temps) le problème avait bel et bien été posé par Souvarine et ses amis. Par la suite notre philosophe agrégée, parmi d’autres, s’en inspirera. Quant à Voline, sur un mode différent certes, il avait également publié dans la presse anarchiste des articles sur cette même question avant de se consacrer à la rédaction de La Révolution inconnue.  Simone Weil, pour résumer, n’avait fait que prendre un train en marche. Ce qui n’est nullement un reproche car il fallait prendre celui-ci bien évidemment !


  Je serai d’accord avec le contributeur lorsqu’il constate, vers la fin de son article, qu’il reste bien d’autres thèmes à traiter dans l’oeuvre de Simone Weil. Cependant les prendre en compte (on pense à la foi religieuse de la philosophe, mais aussi à une lecture plus étayée et plus critique de la notion d’enracinement, centrale chez la “dernière Simone Weil”) ne risquait-il pas de brouiller l’exemplaire portrait brossé par Charles Jacquier ? 


  Un préambule s’impose au sujet de Pier Paolo Pasolini. Contrairement à ce qu’avance Olivier Rey dans les premières lignes de son texte sur Pasolini, le cinéaste aujourd’hui ne fait nullement écran au penseur. En tout cas de moins en moins depuis une vingtaine d’années. A ce point que la récente “rétrospective Pier Paolo Pasolini” à la Cinémathèque française est venue opportunément rappeler que Pasolini était avant tout un cinéaste. Car à droite comme à gauche (mais par des hétérodoxes des deux camps) les “écrits politiques” de Pasolini sont largement cités et commentés. Et chose remarquable (quoique...), tous ces commentateurs s’accordent sur l’essentiel. Donc, avant d’entrer dans le vif du sujet, précisons que la réception actuelle de Pasolini, comme penseur et polémiste, s’apparente en partie à un malentendu dans la mesure où, j’insiste, l’auteur de Théorème  est d’abord un artiste, un poète. Son cinéma, quoiqu’on puisse en penser, l’illustre éloquemment. 


  C’est d’ailleurs la notoriété du cinéaste Pasolini qui lui a permis d’écrire durant les trois dernières années de sa vie des articles dans les “grands journaux” de la presse italienne. Et ainsi de recueillir les échos que l’on sait eu égard la réputation de leur auteur : des articles rassemblés dans Lettres luthériennes  et Écrits corsaires.  Ces deux ouvrages ne sont nullement passés inaperçus lors de leur publication (après la mort du cinéaste), mais il leur faudra attendre deux décennies pour connaître cette fortune qui, entre autres incidences, vaut à Pasolini de figurer dans Radicalité...


  Les visiteurs de l’exposition consacrée l’automne 2013 à Pasolini (parallèlement à la rétrospective évoquée plus haut) n’ont pas été sans remarquer dans l’une des salles (celle des lendemains de 1968), bien en vue sur un panneau, l’extrait suivant : “Vous avez des têtes de fils à papa. Bon sang ne saurait mentir. Vous êtes peureux, incertains, désespérés (parfait !) mais vous savez aussi que vous êtes arrogants, faire du chantage, avoir de l’assurance prérogative petite bourgeoise les amis. Quand vous vous êtes bagarrés avec les flics, je sympathisais moi avec les flics ! Parce que les flics sont des fils de pauvre”. 


  Comme quoi un bon début, que l’on peut partager, n’exclut pas une fin malencontreuse, autant discutable que difficilement acceptable. C’est un peu le sentiment que l’on a en lisant d’un texte à l’autre les écrits politiques et polémiques de Pasolini. Olivier Rey, étrangement, ne se réfère pas à l’article le plus connu des Écrits corsaires  (publié en 1975 dans la Corriere dela Sera  sous le titre “Le vide du pouvoir”, mais repris en français sous celui de “L’article des lucioles”). Un article souvent commenté et qui se trouve être à l’origine du beau livre de Georges Didi-Huberman, La survivance des lucioles.  Pasolini s’appuie sur la métaphore de la disparition des lucioles à Rome pour décrire l’Italie du milieu des années 70 : une société qui pour lui bascule dans quelque chose de pire que le fascisme. Pasolini évoque un “désastre économique, écologiste, urbaniste, anthropologique” concomitant d’une disparition du peuple italien (il parle même de “génocide”), sinon son “irrésistible dégradation”. Pour Didi-Huberman, commentant ce texte de Pasolini, “ce ne sont pas les lucioles qui ont été détruites” mais “plutôt quelque chose de central dans le désir de voir (...), donc dans l’espérance politique de Pasolini”. D’ailleurs, à l’attention de qui prendrait au pied de la lettre la disparition des lucioles, Didi-Huberman précise plus loin que celles-ci n’avaient pas disparu de l’Italie des années 70, et cite des exemples ultérieurs dans lesquels figure son propre témoignage. Tout lecteur sachant lire, ou de bonne foi l’avait compris ; mais assurément pas tout le monde. La référence écologique n’est qu’une thématique parmi d’autres chez Pasolini. Il faut prendre en compte tous les aspects de cet article pour savoir de quoi nous entretient l’auteur de Mama Roma  : la disparition du monde auquel Pasolini se dit attaché et que même le fascisme n’avait pas détruit. Dans la plupart des articles des Écrits corsaires  on peut y lire implicitement le regret d’un temps (celui des années fascistes) où il était encore possible de résister, entre autres raisons parce que “le peuple existait”. Pasolini va jusqu’à appeler génocide  “cette assimilation (totale) au monde et à la qualité de vie de la bourgeoisie”. Dans l’un de ses articles de 1974 (appelé justement “Génocide”), Pasolini reprend cette argumentation sans pour autant abandonner l’espoir de voir “le parti communiste” et “les intellectuels progressistes” faire “prendre conscience aux masses populaires” du phénomène d’acculturation imposé par les classes dominantes. Pasolini y ajoute un paradoxal éloge du progrès, la condamnation du divorce et de l’interruption volontaire de grossesse, et j’en passe. Ceci et cela est occulté chez Rey, ou suscite des commentaires biaisés. J’en dirai deux mots un peu plus loin.


  Georges Didi-Huberman, pour y revenir, pose la bonne question : “Pourquoi Pasolini a-t-il inventé  la disparition des lucioles ?”. Il n’est pas inutile d’ajouter qu’à travers Pasolini Didi-Huberman se réfère à un certain discours contemporain catastrophiste. Il pose alors une autre question, induite par la première : “Peut-on (alors) déclarer la mort des survivances ?”. Le cas Pasolini se révèle d’autant plus exemplaire que le cinéaste avait été l’un de ceux capables capables, “magistralement” précise Didi-Huberman, “de voir dans le présent des années 50 et 60 les survivances à l’oeuvre et les gestes de résistances du sous-prolétariat dans les Chroniques romaines,  dans Accatone  ou dans Mama Roma “. Pourquoi l’avoir alors perdu de vue durant la première moitié des années 70 ? Didi-Huberman y répond en ajoutant, métaphore pour métaphore : “Ce qui avait disparu en lui (Pasolini) était la capacité de voir dans la nuit comme sous la lumière féroce des projecteurs ce qui n’a pas complètement disparu”.


  Certes, Olivier Rey est bien obligé de reconnaître que l’emploi fait par Pasolini de la terminologie fasciste  “est contestable”. Cependant il explique ce choix par des raisons “d’ordre tactiques”, afin que l’on ne se trompe pas d’ennemi, sachant que l’antifascisme de ces années là s’en prend à un “fascisme archaïque qui n’existe plus et qui n’existera plus jamais”. C’est très vite dit. Cela peut s’entendre si l’on en reste à la rhétorique de ce discours antifasciste, mais c’est globalement faux si l’on se remet en mémoire l’activité d’une certaine extrême droite dans l’Italie des années 70. En revanche, Rey accrédite le propos de Pasolini selon lequel les acteurs recrutés pour le tournage de L’évangile selon Saint-Matthieu  (film tourné dans le Mezzogiorno en 1964) dans “les rues des petites villes de l’Italie du sud” dont les visages et les corps renvoyaient à ceux “qui avaient vécu deux millénaires plus tôt en Palestine”, avaient pratiquement disparu. Huit ans plus tard, en 1974, un tel tournage serait désormais impossible : “tous ces visages et tous ces corps de jeunes gens portaient maintenant en eux, la marque de leur exposition à la télévision, à la publicité et à la consommation, et le rapport radicalement modifié au réel qui en résulte”. Nous n’avons pas véritablement quitté la métaphore des lucioles. Je précise que dans cette Italie du sud, quelques années plus tard même, Francesco Risi lors du tournage de Le christ s’est arrêté à Eboli  fera largement appel à des acteurs non professionnels, tous âges confondus, dont les corps et les visages - plusieurs commentateurs le relèveront - semblaient provenir de temps antédiluviens.


  Dans un autre registre Olivier Rey reprend également à son compte l’affirmation de Pasolini déclarant “qui accepte le divorce est un bon consommateur”. Une manière pour le moins paradoxale de s’en prendre au divorce. Mais qui étonnera moins le lecteur compte tenu de ce qui vient d’être dit. Ceci étant précédé d’un propos de Rey faisant passer “nombre de libérations” pour des “aliénations renforcées”. Je ne doute pas que ces bonnes paroles recueillent un franc succès dans les milieux où ce monsieur Rey a acquis une petite notoriété.


  Ceci parce que la courte notice biographique reproduite à la fin du volume sur Olivier Rey ne comporte pas les éléments suivants (pourtant essentiels) (3). Primo : un entretien accordé par Rey à la revue Conférences  a été reproduit dans la revue d’Alain de Benoist, Krisis.  Secundo : Rey est l’auteur d’un article (publié dans Études,  une revue jésuite) dont le titre (“L’homme originaire ne descend pas du singe”) dispense de tout commentaire. Tertio : ce même monsieur Rey a donné une conférence à Notre-Dame de Paris (présentée par Monseigneur Vingt-Trois) portant sur “la querelle du genre” en des termes appropriés au lieu. Enfin cet Olivier Rey, très bien introduit dans les milieux jésuites lyonnais, figure dans la liste d’honneur de l’association Cosette et Gavroche qui, toujours à Lyon, avait organisé les “États généraux de l’enfant” avec la participation de Frigide Barjot en guest star. Ces “États généraux” débouchant sur la manifestation lyonnaise du 17 novembre 2012 contre “le mariage pout tous”.


  Il ne faudrait pas croire qu’Olivier Rey nous donne à lire un texte sur Pasolini éloigné de ce que pourraient en attendre les Éditions de l’Échappée. Bien au contraite, plus que d’autres contributions même, son article entre parfaitement en résonance avec le projet de cet ouvrage collectif. Rey est d’ailleurs (en dehors des éditeurs) le seul contributeur à se référer au Socialisme de la lenteur  de Dwigh Macdonald (et son texte comporte des citations de Lasch et Michéa).

  A ce jour, que je sache, les éditeurs de l’Échappée n’ont pas cru bon intervenir pour expliquer la présence de ce “philosophe de sacristie” dans la liste de leurs contributeurs. Mais après tout ils pourraient me répondre que la religion, ici le christianisme, nous préserve des excès de la modernité capitaliste, et qu’elle a au moins le mérite de défendre les vrais valeurs. Et ajouter que leur liste de “penseurs radicaux” comporte les noms de Charbonneau, Ellul, Illich, Weil, tous chrétiens. Certes, certes, mais le lecteur qui l’ignorerait en est au moins informé. A vrai dire les lignes biographiques sur Olivier Rey me permettent de faire le lien avec ce qui suit. Il s’agit d’un communiqué titré “Les Éditions de l’Échappée appellent à la vigilance” (datant de la mi-novembre 2013, donc peu de temps après la parution de l’ouvrage). Je le cite ci-dessous en entier.


  “Il a été porté à notre connaissance qu’un auteur d’un texte du livre collectif Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques,  publié aux Éditions de l’Échappée et actuellement en librairie, entretenait des relations avec des structures proches de la mouvance d’Alain Soral. Cet auteur, Charles Robin, nous avait été recommandé par une personne de confiance, clairement engagée à gauche, initialement pressentie pour écrire le texte en question, et qui faute de temps n’a pas pu le faire. Cette personne n’étant en rien au courant des accointances de Charles Robin, et a été tout autant choquée que nous lorsque nous le lui avons appris. Notre erreur aura été de ne pas nous renseigner sur Charles Robin (nous ne l’avons même pas googlisé !), et la teneur de son texte ne pouvait en rien laisser présager de ses fréquentions politiques.


  En temps de crise l’extrême droite a pour stratégie de tenter des rapprochements avec l’autre bord de l’échiquier politique. Nous en appelons donc à la vigilance, afin qu’aucune passerelle ne soit établie entre nos mouvements et des courants antisémites, racistes, antiféministes, nationalistes, conspirationnistes, etc., etc., et les personnes qui pourraient être complaisantes à leur égard”.


  Ce communiqué, autant embarrassé que maladroit, fait cruellement ressortir les insuffisances, les contradictions ou les aspects biaisés de cet ouvrage collectif ; mais également l’amateurisme des éditeurs. Et puis à aucun moment ceux-ci ne signalent que l’article en question, rédigé par Charles Robin, concerne Jean-Claude Michéa. Une telle absence laisse entendre que ce Robin eut pu signer n’importe quel autre texte de ce livre collectif. En ne mentionnant dans leur communiqué qu’une situation de tromperie, d’abus, voire de noyautage par un proche de la tendance Soral, les éditeurs occultent le fait, pourtant essentiel, que cet article était consacré à Michéa. Un texte qui était passé comme une lettre à la poste, même pas litigieux - les éditeurs de l’Échappée  le reconnaissent : c’est bien là le problème ! Un problème que nos éditeurs escamotent en se drapant dans leur dignité outragée. Rien de tel pour ainsi noyer le poisson (poison ?) Michéa.


  Moins préjudiciable, nos éditeurs oublient également de mentionner une information que le lecteur peut trouver à la fin de Radicalité...  en consultant les notices biographiques et bibliographiques sur chacun des vingt contributeurs : “Charles Robin prépare actuellement une thèse de doctorat (...) sous la direction de Dany-Robert Dufour”. Décidément une passerelle peut en cacher une autre ! On se contentera de rappeler que le texte concernant Dany-Robert Dufour (l’un des “vingt”, comme on le sait) a été écrit par Guillaume Carnino, l’un des préfaciers de l’ouvrage et cofondateur des Éditions de l’Échappée.

  Quand on nous informe que la personne qui aurait dû normalement rédiger “le texte en question” était quelqu’un de “clairement engagé à gauche”, il y a de quoi s’esclaffer. Car cette qualité de “clairement engagé à gauche” se trouve mise à mal dans plusieurs pages de Radicalité...,  y compris l’article de Robin ; et à fortiori dans toute l’oeuvre de Michéa. Les éditeurs de l’Échappée en voulant se justifier aggravent leur cas. Si l’on est un tant soit peu logique - à condition, bien évidemment, de reconnaître que les lignes ont bougé depuis quelques années en ce qui concerne la réception des derniers livres de Michéa - un contributeur “clairement engagé à gauche” eut écrit en 2013 un texte critique sur l’auteur des Mystères de la gauche.  Ce qui entrait en contradiction avec le projet de ce livre collectif, ou sinon nous ne comprenons plus rien. Et puis cette histoire d’une personne “clairement engagée à gauche” qui recommande pour la remplacer une autre personne digne de confiance, laquelle se révèle être un mouton noir, prête à sourire. Surtout cela ne plaide pas en faveur  de la rigueur et du sérieux de cette entreprise éditoriale. Il semblerait aussi que dans ce milieu majoritairement universitaire, celui où les Éditions de l’Échappée font leur marché, critiquer le libéralisme vaut pour blanc-seing (Charles Robin “prépare actuellement une thèse de doctorat sur le thème des théories critiques du libéralisme contemporain”, dixit l’Échappée) et vous dispense d’en savoir davantage.

  On ne sait pas si les éditeurs de l’Échappée font preuve d’ingénuité ou de duplicité quand ils ajoutent qu’ils ont eu le tort de ne pas faire une recherche sur Google. Faut-il les croire ? Leur Charles Robin (précédé d’homonymes d’une plus grande notoriété) apparaît une première fois dans une pages d’Agora Vox à travers une conférence filmée (intitulée “L’extrême gauche et le libéralisme”) concernant un ouvrage qu’il venait de publier, Le libéralisme comme volonté et représentation.  La présentation d’Agora Vox est favorable alors que les commentaires des internautes de révèlent plutôt critiques.  Poursuivant cette recherche, nous constatons que cette même conférence se retrouve sur You tube. Enfin, plus loin, nous tombons sur le site d’Alain Soral pour constater que Charles Robin figure parmi les contributeurs (de “Égalité et réconciliation”) avec un texte concernant Tariq Ramadan.


  La conclusion du communiqué parait presque irréelle. “En temps de crise”, dit-on. Mais de quelle crise nous entretient-on ? En a-t-il été question dans la longue introduction de l’ouvrage ? Assurément non. Pas même la queue d’une. “En temps de crise” donc “l’extrême droite a pour stratégie de tenter des rapprochements avec l’autre bout de l’échiquier politique”. Ah bon ! Est-ce l’extrême droite qui est venue, stratégiquement parlant, s’immiscer dans les pages du volume de l’Échappée ? Cette extrême droite ne l’a-t-on pas plutôt gentiment, en toute confiance, convié à venir participer au projet éditorial ? Et même, la copie livrée, il n’y avait pas de quoi soupçonner le moins du monde la présence occulte d’Alain Soral !

  Nous en revenons au problème évoqué plus haut. A l’essentiel, pour ainsi dire. Les Éditions de l’Échappée n’avaient absolument rien à redire d’un texte rédigé par un universitaire proche de la mouvance Soral parce que le problème n’est pas en premier lieu ce Robin que Michéa ! Ce Robin était plus légitime qu’un contributeur “clairement engagé à gauche” pour écrire ce texte-là sur Michéa : c’est à dire  conforme à ce qu’en attendaient les éditeurs de l’Échappée. Mis à part l’obsession complotiste d’Alain Soral, son antisémitisme - ce qui n’est pas rien, certes ! - on trouve de nombreux points communs entre Soral (4) et Michéa. Ou, pour le dire autrement, les fameuses passerelles évoquées dans le communiqué “appelant à la vigilance” apparaissent clairement entre ces deux auteurs : dans le traitement des questions sociales et sociétales, les modes de dénonciation d’une gauche libérale, l’exposé d’une collusion entre le libéralisme et la modernité (facteur de destruction des valeurs traditionnelles), la mise en accusation d’une société de consommation favorisant l’individualisme, un anticapitalisme mâtiné de populisme, etc. 

  D’aucuns parleront de “récupération” chez Soral. Une explication un peu rapide (c’est botter en touche, comme dirait Michéa). Cela pourrait davantage s’appliquer à Marine le Pen quand elle écrit, dans Pour que vive la France,  au détour d’un propos élogieux sur Michéa : “C’est encore Jean-Claude Michéa qui dans Impasse Adam Smith  m’a aidé à théoriser les constatations que je fais”. Récupération encore ? Sans doute en partie. Mais, après tout, pourquoi Michéa n’aurait-il pas aidé Marine le Pen à mieux “théoriser” en lui fournissant clef en main une argumentation que la dirigeante du FN reprend à son propre compte  ? Michéa n’est-il pas devenu l’une des boites à idées des droite et extrême droite ? Assurément oui, et les exemples ne manquent pas.  D’ailleurs, encore plus tôt, le fameux discours de Bercy du candidat Sarkozy en 2007 (discours écrit par Guaino) comportait de nombreux passages d’une facture très michéenne. Alors, compte tenu des échos de plus en plus favorables que recueillent les derniers ouvrages de Michéa dans certains milieux droitiers et extrême droitiers, pourquoi vouloir remettre en question la “bonne foi” de Marine le Pen ?

  Revenons à Radicalité  et l’article signé Charles Robin. Après ce qui vient d’être précisé il n’y a pas lieu ici de le commenter dans la mesure où je risquerais de me répéter. Ayant écrit en 2011 un texte critique sur Michéa prenant en compte la totalité des opus michéens publiés à cette date (sensiblement augmenté l’année suivante et mis en ligne sur le site de “l’herbe entre les pavés” sous le titre Cours plus vite Orphée, Michéa est derrière toi ! ), j’invite le lecteur à en prendre connaissance (5).


  L’arbre Michéa, malgré ses dimensions, ne saurait à lui seul cacher la forêt de cet ouvrage collectif. Cependant la présence de l’auteur de L’impasse Adam Smith  dans ce volume, dont l’importance est attestée dés l’introduction par les préfaciers, rend encore plus équivoque et plus problématique une entreprise éditoriale dont le projet prenait déjà les contours d’une auberge espagnole à la lecture des 20 penseurs convoqués. S’il existe, malgré tout, un petit dénominateur commun entre les “vingt” doit-on le mettre sur le compte de la “radicalité” ? Et n’est ce pas redondant de vouloir qualifier par surcroît ceux-ci  de “vraiment critiques” ? Le projet de Radicalité..., j’y reviens, entre autres raisons, mais celle-là s’avérait déterminante (les préfaciers la mentionnent au début de leur introduction) entendait être une réponse - mais plus encore la  réponse - au livre Hémisphère gauche  publié en 2010 aux Éditions Zones, lequel annonçait le retour de la pensée radicale en convoquant des penseurs contemporains qui, comme l’indique le titre de l’ouvrage, appartenaient à la dite “gauche radicale” ou pouvaient y être apparentés. L’année suivante (2011) paraissait plus confidentiellement le livre de l’essayiste américain Dwigth Macdonald, Le socialisme sans le progrès  (la nouvelle traduction d’un ouvrage publié en 1946 aux États-Unis). Les préfaciers de Radicalité...  reprennent la distinction faite par Macdonald entre les “intellectuels progressistes” et les “penseurs radicaux” : les premiers se confondent ici avec les intellectuels figurant au sommaire d’Hémisphère gauche  tandis que les seconds sont principalement représentés par les “vingt” penseurs sélectionnés par l’Échappée. Il n’y aurait rien à redire à priori sur cette manière de distribuer les cartes si la définition par Macdonald du concept de “radicalité” ne s’avérait discutable, voire très discutable. Ce n’est pas anodin ici d’ajouter que Dwigth Macdonald est la dernière coqueluche en date du courant anti-industiel (un second ouvrage du penseur américain a été publié en 2013 par les Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances sous le titre Une tragédie sans héros ). Par ailleurs les préfaciers de Radicalité  reconnaissent se définir “quand c’était nécessaire, et faute de mieux, comme “anti-industriels””. Et pourtant, la principale composante de ce courant anti-industriel (dans la décennie 90 et la suivante) ne tenait-elle pas à se distinguer des “radicaux” et de la la radicalité ? Pour expliquer pareille contradiction (ou du moins ce qui apparaîtrait comme tel), on précisera que les Éditions de l’Échappée occupent en partie un territoire laissé vacant par l’Encyclopédie des Nuisances (cette maison d’édition n’ayant plus le rôle ni l’importance qui était encore la sienne il y a dix ans). Du moins se préservent-elles de ce catastrophisme qui, finalement, malgré les dénégations tardives des animateurs de l’EdN (celles du dernier ouvrage signé Semprun et Riesel) ne pouvait que transformer l’impératif (“On ne peut plus rien faire, et de toute façon c’est déjà trop tard”) en couteau de Lichtenberg. 


  Les éditeurs de l’Échappée ont certes dans Radicalité...  retenu la leçon. Mais en même temps l’obligation pour eux de se démarquer de l’adversaire, les “intellectuels progressistes”, les entraînent à enrôler sous la bannière “radicalité” des penseurs qui ne retiennent de la chose que son côté “anti-progressif”, d’autres à qui on fait jouer un rôle “d’idiot utile”, d’autres encore qui ne sont là que pour servir de “caution prestigieuse”. D’où ce paradoxe, qui ne se présente assurément pas comme tel par les maîtres d’oeuvre de Radicalité... : qu’être radical signifie ici retrouver un sens de la mesure, poser des limites, préférer la modération ; ceci et cela passant par une défense des valeurs traditionnelles (la famille et le travail en premier lieu), voire par des nostalgies de type “ancien régime” : toutes “qualités” qui circonscrivent un monde pré-industriel compatible avec la religion (celle-ci jouant en quelque sorte un rôle de régulateur qui préserverait des excès de tout genre). Au sujet, précisément, de la religion les préfaciers de Radicalité...  n’affirment rien de cet ordre, mais rien non plus dans leur introduction ne permet de penser qu’ils infirmeraient ce point de vue si l’on reprend dans le détail plusieurs des contributions de l’ouvrage. Nous sommes les vrais conservateurs, disent en substance Biagini, Carnino et Marcolini, car nous au moins nous nous entendons nous opposer au libéralisme échevelé sous ses aspect économique et technologique avec les destructions qui en résultent, mais également à travers ses effets dans les domaines culturel et sociétal (celui des mœurs en particulier) où nous entendons préserver et conserver ce qui doit l’être.

  Que subsiste-t-il encore de cette “radicalité” quand elle finit par signifier tout et son contraire ? Passé à la moulinette de l’Échappée le mot (le concept) tend à rejoindre quelques autres dont le sens s’érode. Il est vrai que les médias, en mettant l’adjectif “radical” à toutes les sauces, mais de préférence pour rejeter des “extrêmes” qu’on amalgame sans trop de discernement, disposent d’une force de frappe sans commune mesure avec le bataillon des Éditions de l’Échappée. Celles-ci n’en ajoutent pas moins de la confusion à cette confusion ambiante. C’est en définitive ce que l’on retire de la lecture d’un ouvrage dont le titre prête alors encore plus au malentendu.


Max Vincent

mars  2014



(1) Günther Anders, Zygmunt Bauman, Cornelius Castoriadis, Bernard Charbonneau, Dany-Robert Dufour, Jacques Ellul, Ivan Illich, Christopher Lasch, Herbert Marcuse, Michela Marzano, Jean-Claude Michéa, Lewis Mumford, George Orwell, François Partant, Pier Paolo Pasolini, Moishe Postone, Richard Senett, Lucien Sfez, Vandana Shiva, Simone Weil.

(2) Robert Musil, dans L’homme sans qualités,  à partir d’un échange entre deux personnages finalement d’accord pour penser que “les époques où tout est permis ont toujours fait le malheur de ceux qui y ont vécu”, poursuit ironiquement en citant l’un des deux personnages : “Il n’y a pas de bonheur sans limites (...) La limite est le secret du non-phénoménal, le secret de la force, du bonheur, de la foi, et ce devoir que nous avons, nous autres misérables hommes, de nous affirmer au sein de l’univers”.

(3) Ils figurent dans un article publié par Yves Coleman sur le site “Ni patrie ni frontières” (“Au sujet du réac Jean-Claude Michéa (alias Nietzschéa), des Éditions de l’Échappée et de leur “vigilance”... en carton pâte” : http://www.mondialisme.org/spip.php?article1990).

(4) Consulter le très instructif article d’Evelyne Pieiller (“Les embrouilles idéologiques de l’extrême droite”) dans le n°  715 (octobre 2013) du Monde Diplomatique.
(5)  htttp://www.lherbentrelespaves.fr/public/michea.pdf