L’HERBE ENTRE LES PAVÉS

“Il s’est développé en lui avec le temps un certain goût de la négation, une
souple dialectique qui l’induit volontiers à découvrir des défauts dans ce 
qui bénéficie de l’approbation générale, à prendre la défense de ce qui est
interdit et à refuser les obligations avec une mauvaise volonté qui procède
de la volonté de se créer ses propres obligations”.

Robert Musil






Affirmer et revendiquer un esprit véritablement critique en ce début de XXIe siècle renvoie à une double exigence.
- Celle, critique, du “monde tel qu’il va” : à travers les formes que prend aujourd’hui la domination, mais aussi en réaction à quelques unes des figures contemporaines du “renoncement” (cynisme, nihilisme passif, résignation).
- Celle d’une appartenance à des “traditions” relevant de cet esprit critique : Marx, Bakounine, Fourier, Nietzsche pour le XIXe siècle ; les surréalistes, Bataille, l’École de Francfort, les situationnistes (la liste n’est pas exhaustive) pour le XXe siècle. La remise en perspective et la réactualisation de ces “filiations” révolutionnaires et poétiques s’avèrant cependant nécessaires pour retrouver, par delà la lettre, cet esprit critique.
La priorité plutôt accordée à une certaine actualité laisse pour l’instant en suspens d’autres thématiques. En particulier la question de l’émancipation liée à la poésie (voire à l’art) n’est pas ici considérée comme obsolète, dépassée ou anachronique. Mais on ne saurait dans l’immédiat y répondre sans prolonger plus en avant la discussion sur l’état de ce monde.